Retour sur la troisième rencontre du Groupe Climat & Santé de Clim’actions

Une douzaine d’adhérent.e.s de Clim’actions se sont réunis le 15 janvier 2025 pour la troisième rencontre du Groupe Climat & Santé à la Maison des associations de Vannes

1 – Apprendre ensemble

En introduction de la rencontre, Benoît Raphalen, administrateur de Clim’actions, a cité l’expérience menée en 2014 au Canada consistant à introduire de petites doses d’œstrogènes dans une installation de recherche d’un lac. Les vairons mâles (petits poissons) se sont rapidement féminisés, entraînant la quasi-disparition de l’espèce avec des effets sur la chaîne alimentaire. Cet exemple illustre l’effet de perturbateur endocrinien « œstrogène like » que peuvent avoir certains pesticides et certains polluants dérivés du plastique, et pas seulement la pilule contraceptive

Exposé « Les perturbateurs endocriniens et la fertilité »

Pauline Tiberghien, gynécologue médicale à Vannes, a présenté un panorama des connaissances sur les perturbateurs endocriniens (PE) et de leurs effets sur la fertilité.

Les PE sont très présents dans notre environnement quotidien :

  • Dans les produits thérapeutiques mimant les effets des hormones naturelles
  • Dans un certain nombre de produits chimiques : certains phtalates (adhésifs, détergents, solvants, cosmétiques), certains parabènes (conservateurs, 80 % des cosmétiques, additifs alimentaires), le bisphénol A (BPA) (plastique, résines, polymères), des composés perfluorés (antitaches et imperméabilisants, enduits résistants aux matières grasses, les emballages en papier et carton alimentaires), les composés polybromés (ou retardateurs de flamme bromés) très persistants dans l’environnement, les organochlorés (DDT, chlordécone…), utilisés comme phytosanitaires (pesticides, insecticides, fongicides), des produits de combustion comme les dioxines, les furanes, les hydrocarbures aromatiques polycycliques…

Les affections suspectées d’être liées à une exposition aux perturbateurs endocriniens sont de différents ordres : troubles du système reproducteur, troubles métaboliques, troubles immunitaires et inflammatoires et troubles du neuro-développement (notamment autistiques), cancers.

Les impacts sur la fertilité peuvent être multiples :

  • certains perturbateurs endocriniens peuvent altérer le métabolismeet prédisposent à l’obésité, au diabète 2 et à l’hyper-tension pouvant entraîner, avec d’autres facteurs,  des troubles de l’ovulation.
  • ce « mimétisme oestrogénique » peut avoir de multiples effets sur la fertilité et la santé féminine et masculine.
  • les PE peuvent par ailleurs provoquer des troubles immunitaires, maladies thyroïdiennes, lupus…

L’évaluation de ces impacts est complexe car la relation dose/effet n’est pas linéaire, il peut y avoir des effets additifs, synergiques ou antagonistes entre molécules, et les effets peuvent être immédiats, retardés, voire même sur la descendance (épigénétique).

En approche préventive et parallèlement aux évolutions réglementaires attendues, les priorités d’actions individuelles concernent l’alimentation saine, l’évitement du plastique alimentaire, des revêtements antiadhésifs contenant des PFAS et des produits cosmétiques contenant des parabènes.

Exposé « Qui protège qui ? »

Martine Charles, administratrice de Clim’actions, a fait une présentation très complète sur les produits de soin pour animaux domestiques (pesticides, antiparasitaires…) présentant un risque pour la santé humaine et des animaux.

Une grande majorité des propriétaires ignorent les effets potentiels des antiparasitaires sur leur santé et sur l’environnement (80%), et utilisent ces produits à titre préventif avant toute infestation (75%)

A titre d’exemples, les pipettes Frontline, Fiprokil, Effitix et Effipro sont suspectées d’être des perturbateurs endocriniens, et le fipronil, la perméthrine et la tétraméthrine peuvent entraîner une baisse significative des performances cognitives des enfants (Inserm) et sont classés comme « cancérigènes possibles » par l’agence de santé américaine

Savoir que l’ANSES a mis à l’index en avril dernier une longue liste de colliers antiparasitaires pour leurs risques potentiels notamment pour les enfants en cas d’exposition chronique, et a fait procéder au retrait de la vente des produits en recommandant aux propriétaires d’animaux d’en cesser dès à présent l’utilisation. Des pipettes, pulvérisateurs et shampoings sont également concernés.

Revue de quelques produits :

  • L’imidaclopride (antipuces) : structure similaire à la nicotine, impliquée dans le déclin des pollinisateurs avec une persistance très élevée dans l’environnement. A forte dose, le produit peut être toxique pour les animaux traités mais aussi pour la faune (oiseaux, vers de terre…), et même les humains (dysfonctionnement mitochondrial, dommages sur l’ADN…)
  • Le fipronil, plus toxique que l’imidaclopride, a été Interdit dans le traitement des semences de maïs en 2013. On le trouve dans des pipettes et spray pour animaux (anti-puces, poux et tiques). A éviter absolument pour les animaux en contact avec des enfants ou des femmes enceintes, ou qui dorment sur le lit, ainsi que tous produits contenant des néonicotinoïdes.
  • Le fluralaner, insecticide et acaricide, présente des risques non négligeables pour l’environnement avec une persistance très longue dans les sols, qualifiétoxiquepar l’Agence Européenne des Médicaments.

Concernant les pesticides de manière plus générale, on estime que 800 000 professionnels sont exposés en France : agriculteurs, jardiniers, dockers, services de voirie, techniciens de laboratoires… Les fleuristes en particulier sont souvent plus exposés que les agriculteurs car confrontés tous les jours à un cocktail de pesticides (jusqu’à 43 pour un bouquet), dont certaines substances sont interdites en Europe.

Quelques recommandations en conclusion : préférer les produits « -fuges » qui éloignent les parasites aux produits « -cides » qui les tuent ; préférer les comprimés aux applications externes (pipettes, colliers, spray..)

Et toujours : « manger bio, local et de saison, bouger, s’oxygéner, s’hydrater » !

2- Réfléchir ensemble

Les participants ont ensuite échangé sur leurs pratiques et les décisions nouvelles qu’ils souhaitent mettre en œuvre pour atténuer leur exposition aux perturbateurs endocriniens.

De nombreuses idées et recommandations ont été émises : manger bio mais en évitant l’emballage plastique, porter un masque, des lunettes et aérer fortement quand on bricole (exposition aux solvants), privilégier les meubles et parquets en bois massif qui stockent du carbone et éviter l’aggloméré, vérifier les crèmes de soin quotidiennes, bannir la bouteille en plastique et privilégier les récipients alimentaires en verre, éviter les ustensiles de cuisine en plastique noir, utiliser des filtres à eau…

En conclusion, Benoît Raphalen a rappelé quelques bases de changement de comportements présentant des co-bénéfices pour la santé et pour l’environnement : manger bio, non transformé et local, laver les vêtements neufs avant leur premier usage et privilégier les fibres naturelles, aérer les matelas qui comportent tous des retardateurs de flamme, privilégier les produits ménager à base de savon noir ou d’huiles et dont la fabrication utilise peu d’énergie, éviter de manière général les produits industriels très carbonés au profit des produits issus de la chimie verte moins énergivores, moins carbonés et moins toxiques…Retenir que la chasse aux perturbateurs endocriniens est bénéfique pour la santé du vivant en général et pour la planète !